Maintenant, je sais pourquoi on nous a capturés et vendus. C’est pour nous faire travailler de force dans cette maudite plantation de canne à sucre, du matin au soir. Voilà ma nouvelle vie : esclave des Blancs. C’est épouvantable.
Couper les cannes à sucre, encore et encore… Moi, Gustave, je suis épuisé. C’est si dur.
Pourtant, je suis costaud.
D’autres esclaves travaillent au « moulin » : c’est là qu’on fabrique le sucre, avec les plantes que je récolte. C’est aussi un travail très pénible. Des machines broient les cannes à sucre et, parfois, les bras des esclaves.
Nous aussi, les femmes, nous travaillons, ainsi que les enfants. On nous oblige à porter des paquets et à exécuter un travail répétitif. On ne nous donne pas d’argent en échange. Que faire ? Nous, les esclaves, nous n’avons aucun droit, aucune liberté. Nous devons obéir, c’est tout, sinon nous sommes punis.
Normal, il y a des lois à respecter, ici ! Moi, je suis un commandant, je surveille les esclaves. Au moindre faux pas : clac, un coup de fouet !
Nous avons d’autres punitions pour ceux qui désobéissent : leur couper les mains ou les oreilles, les emprisonner dans un carcan, les enchaîner dans des positions douloureuses et bien d’autres tortures.
Certaines esclaves ont un peu plus de chance. Elles travaillent dans la maison du maître. Elles gardent ses enfants ou font la cuisine. C’est la maîtresse de maison qui les commande. Leur vie est moins pénible que dans les champs.
Oh la la, une révolte ! Gustave et Toussaint ont mis le feu au champ. L’autre jour, ils ont déjà essayé de saboter le moulin. Et j’en connais qui veulent empoisonner le maître ! C’est normal, avec tout ce qu’on nous fait subir…
Moi, je résiste à ma façon : je travaille lentement et… je vole de la nourriture. Mais, chut !
Aïe aïe aïe ! On les a capturés. Leur châtiment va être terrible ! Quand quelqu’un s’attaque à un Blanc, c’est pire : il est torturé et tué. Brrr…
Comment traitez-vous ces gens ? Vous avez donc droit de vie et de mort sur eux ? Sans compter tous ceux qui meurent de maladies, d’épuisement ou de tristesse. Ce sont des êtres humains, que diable !
Je n’ai pas le choix, ma chère. J’ai une affaire importante à diriger, moi ! Pour que ma plantation tourne bien, la main-d’œuvre doit être efficace et obéissante. Il faut mater, ces nègres. Ils sont paresseux, vous savez, et toujours prêts à faire des sales coups en douce.
Mais je ne suis pas un monstre. Mes esclaves peuvent racheter leur liberté contre de l’argent. Bon, encore faut-il qu’ils en gagnent… Toutefois, ça peut se faire. Et, parfois, il m’arrive de rendre sa liberté à un esclave par pure bonté de cœur : il est affranchi.
Mouais… En attendant, en Angleterre, certains commencent à parler de mettre fin à l’esclavage.
Enfin, voici le soir ! C’est ici, dans notre quartier, que nous nous reposons et que nous avons un peu de liberté. Nous nous retrouvons entre nous, parlons, chantons, dansons, racontons des histoires d’autrefois, de l’Afrique. Nous avons inventé une langue rien que pour nous : le créole, qui est un mélange de français et de nos langues d’origine.
Souvent, le soir, je pense à ma sœur chérie. Assiba, qu’es-tu devenue ?
Bon, je vais dormir, moi, je suis morte de fatigue ! Tiens, voici où nous habitons : ce sont nos cases. Ce n’est pas terrible, hein ? Il y en a même qui dorment dehors, à la belle étoile.
J’ai faim. Le maître est supposé nous donner à manger, mais, en fait, nous n’avons pas droit à grand-chose : du riz, de la farine, un peu de viande ou de poisson… Alors, nous cultivons un petit potager. Nous avons aussi quelques poules, des chèvres. Et, si on nous laisse les vendre au marché, nous pouvons gagner un peu d’argent.
Vous savez qu’il existe un Code noir ? C’est un ensemble de règles établies par les Français, au 17e siècle. Il y est écrit que le maître a des obligations envers ses esclaves et les choses qu’il n’a pas le droit de leur faire subir. Évidemment, nous sommes surtout considérés comme des objets…
Par exemple, moi, qui suis né d’une mère esclave noire et d’un père blanc, je suis à moitié Blanc. Donc je dois être affranchi ! Hé hé, je vais être libre, j’aurai un métier... et des esclaves, tiens !
Être libre… J’en rêve sans arrêt. Mais, moi, je ne serai jamais affranchi, j’en suis sûr. Je ne vais pas continuer comme ça, non ! J’ai un plan…